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Maroc Maroc - LE TEMPS - Tous - 17/Jul 14:20

Sylvain Saudan: «À 8000 m, tout est ralenti: la pensée, l’effort. Mais le ski, lui, glisse à la même vitesse qu’en bas»

Considéré comme l’un des pionniers du ski extrême, le Vaudois Sylvain Saudan s’est éteint le 14 juillet à l’âge de 84 ans. Il s’était livré sur sa carrière dans cet article de 2016, que nous reproposonsLe samedi 13 août 2016, Sylvain Saudan recevait le Mérite alpin 2016 du Festival international du film alpin des Diablerets (FIFAD), qui se déroulait du 6 au 13 août. A 79 ans alors, celui que l’on surnomma dans les années 70 «le skieur de l’impossible» conserve une aura et une vitalité hors normes. Rencontre avec un personnage exceptionnel dont la fraîcheur d’esprit est restée intacte.Le Temps: «Le skieur de l’impossible»: d’où vient ce surnom?**Sylvain Saudan:** Lorsque j’ai descendu le couloir Spencer dans les aiguilles de Chamonix en 1967, les professionnels ont crié: «impossible!». Ils ont même pris un avion pour voir s’il y avait des traces et se rendre compte si ça avait vraiment été fait. Après cela, un journaliste du Dauphiné Libéré, Paul Dreyfus, a fait un papier sur moi. Il en a ensuite parlé aux éditions Arthaud et, finalement, nous avons écrit un livre ensemble. Il ne savait pas quel titre mettre. Il est allé à Chamonix et, en parlant avec les professionnels, il a fait sa petite enquête. Le mot «impossible» ressortait toujours, il a donc décidé de titrer le livre «Sylvain Saudan, skieur de l’impossible». Depuis, le surnom est resté. **- Est-ce le surnom qui convenait le mieux à votre personnalité, à vos aspirations?** - Honnêtement, Je ne vois pas quel titre j’aurais mis. C’est celui qui me convient et qui cadre assez bien. Dans tout ce que j’ai fait, c’est vrai, à chaque fois le mot «impossible» revenait, donc ça reflétait ce que les gens pensaient. **- Le freerider vaudois Cyril Néri affirmait en 2006 «qu’il n’y aurait pas autant de fous de la glisse» sans vous. Estimez-vous avoir été un pionnier du ski extrême?** - Toute modestie gardée, il y a un peu de vérité dans ce qu’il dit et je le remercie de son honnêteté intellectuelle. **- À votre époque, d’autres vous considéraient comme «fou» au sens d’inconscient…** - Je ne leur ai jamais répondu pour la simple et bonne raison qu’ils n’avaient pas compris le sens de tout ça. Ils n’avaient pas compris les qualités, s’il faut en avoir, pour réussir à être encore en vie aujourd’hui. Ils restaient sur le plan technique, or c’est beaucoup plus qu’un virage à droite et un virage à gauche. Il faut savoir s’entraîner, se connaître, ce qui n’est pas facile. Il faut savoir ce dont on est capable, sans se surestimer, être capable de juger l’entreprise, sans la sous-estimer, et faire la synthèse de tout ça. C’est le côté fantastique et intéressant. ### «J’ai toujours respecté la progression» **- Comment avez-vous appris à faire du ski extrême?** - Je me suis entraîné dans toutes les conditions de neige. J’ai fait le Mont Fuji sans neige, du sommet jusqu’en bas, avec des skis tout à fait normaux (rire). À partir du moment où vous skiez sur les pierres, vous skiez dans n’importe quelle qualité de neige. Je suis guide de haute montagne, c’est aussi LA motivation, la montagne. Pour la dominer, il faut s’entraîner, maîtriser la technique. Ma technique n’est pas celle qu’on enseigne conventionnellement, alors que je suis moniteur, mais c’est celle qui permet de rester groupé dans les fortes pentes, et de ne pas tomber. Si on veut rester groupé sur ses skis, il faut garder sa force dans les chevilles et les genoux et le mouvement doit venir du bas, pas du haut du corps. **- Comment vous est venu le projet incroyable des premières?** - Progressivement. J’étais en Nouvelle-Zélande, où il y avait les meilleurs skieurs du monde qui venaient faire du ski, des compétiteurs de tous les pays alpins. Le matin, quand c’était très dur, ils ne skiaient pas. L’après-midi, il y avait l’eau qui coulait entre les skis donc ils ne skiaient pas. Moi, je me suis entraîné, je skiais le matin, je skiais l’après-midi avec l’eau entre les skis et après je me suis dit: que faire de plus? Durant tout un hiver où, j’étais moniteur à Arosa, j’ai essayé de skier dans toutes les qualités de neige possibles. Mon but était de ne pas tomber et j’ai réussi. Alors, je me suis demandé ce que je pouvais faire avec cette technique et cet entraînement et, petit à petit, j’en suis venu à vouloir réaliser des premières, toujours en respectant une progression. Avant de faire 8000 m (Hidden Peak, dans l’Himalaya, en 1982), j’ai fait 6000 (Denali, dans l’Alaska, 1972), 7000 (Nun Kun, 1977) etc. ![© LDD](https://letemps-17455.kxcdn.com/photos/fcfcde4c-417b-4e2c-bba7-703bd955dbb0 "© LDD") **- Que ressentiez-vous avant de vous élancer du haut d’une montagne?** - Au moment du départ, il faut faire le vide autour de soi. Psychologiquement, la descente doit être faite avant. Quand vous descendez, c’est juste de l’action. Je n’ai jamais eu peur en descente, juste de l’appréhension. Cependant, il faut arriver à la dominer sinon on a peur et on fait n’importe quoi. L’appréhension se domine grâce à un background qui vous donne une certaine confiance et vous permet d’analyser les endroits où c’est difficile. **- Vous n’en êtes pas mort mais en viviez-vous bien?** - J’ai très bien gagné ma vie après ma carrière, car il faut d’abord prouver qui vous êtes. Au départ, je travaillais l’hiver comme moniteur de ski pour avoir un peu d’argent et m’entraîner. Comme j’étais guide, je faisais des courses l’été pour m’entraîner. Quand vous vous entraînez, vous ne travaillez pas donc vous ne gagnez rien, c’est évident. Et puis il faut se déplacer, tout ça coûte de l’argent. J’ai commencé à en gagner quand j’ai tourné en conférences dans le monde entier. Là, les choses ont changé. **- Quel est l’exploit dont vous êtes le plus fier?** - C’est très difficile à dire mais je dirais la descente du 8000 m (l’Hidden Peak, ndlr). Là il y avait de la motivation, c’était l’apothéose. La première ascension d’un 8000 par Maurice Herzog (l’Annapurna, dans l’Himalaya, en 1950, ndlr) avait prouvé à tout le monde que les sommets de l’Himalaya pouvaient être gravis. Moi, j’ai prouvé qu’on pouvait les descendre à ski. On ne connaissait pas encore les réactions d’un skieur à 8000 m. Là-haut, tout est ralenti: la pensée est ralentie, faire le mouvement auquel on a pensé demande un effort. Pendant ce temps-là, il y a un décalage: le ski, lui, glisse à la même vitesse qu’en bas. ### «Avec les riders d’aujourd’hui, deux motivations différentes» **- Quelle(s) différence(s) faites-vous entre le freeride actuel et celui de votre époque?** - On dit souvent que je suis le père de ce ski. J’en suis fier, flatté. Mais, avec les riders d’aujourd’hui, nous avons quand même deux motivations différentes. Moi, j’étais sur des itinéraires d’alpinistes, alors qu’eux non, ou rarement. Et puis, ce sont des athlètes, des gymnastes, ce que je n’étais pas. Ils font des sauts merveilleux, ont un contrôle en l’air extraordinaire avec leurs skis. Je trouve ça fantastique. Après, ils sont très encadrés – je suis pour la sécurité, hein – mais ce sont d’autres qui pensent et organisent pour eux. Lorsque vous partez en expédition à 8000 m, que vous êtes coupés du monde, que vous n’avez pas de réseau, de nouvelles, rien, vous devez vivre par vos propres moyens. Vous devez subir tous les trucs de la nature, il n’y a rien sur un computer. A chaque fois, je n’avais ni casque, ni corde, ni sac. Je n’avais absolument rien. C’est un esprit différent, un risque différent. **- Ils ne pourraient donc pas faire la même chose que vous dans le cadre d’une compétition?** - On ne peut pas organiser de compétitions dans ce genre de discipline et dans aucune des descentes que j’ai faites: sur vingt qui vont descendre, vous allez avoir dix morts. On peut éventuellement descendre d’une façon individuelle mais ça ne peut jamais être une compétition, c’est clair et net. **- L’évolution du matériel a-t-elle beaucoup modifié la technique?** - Il y a 60 ans, on se mettait sur l’arrière des skis et on levait les spatules à l’avant car c’était le seul moyen de tourner en «profonde». De nos jours, les skis sont plus larges et beaucoup moins longs. Je ne pourrais pas skier avec des skis aussi larges. J’ai essayé mais je ne prends pas de plaisir. Les jeunes oui car ils peuvent prendre de la vitesse. Les skis larges «surfent», déjaugent, et c’est ce qui les intéresse. Nous, on aime le ski qui rentre et pénètre dans la neige. Eux (les riders actuels, ndlr), c’est l’éclair! (rire) **- Actuellement, y a-t-il des freeriders qui vous impressionnent?** - Je connais très peu de riders. On est plus dans le même univers, eux sont dans un cercle fermé, ils vivent entre eux. À mon époque, on circulait en solo, donc on faisait des rencontres. * * * Cet article est initialement paru le 2 août 2016.

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